 | Les gémissements du simoun caressent la cité morte, où les pas recueillis du pèlerin font crisser les pierres. Peu à peu, les maisons se lézardent, s'effritent, elles retournent inexorablement au désert. Salem Al Shazaar, exsangue de ses habitants, dont le flux aux toges chatoyantes coulait dans ses veines de ruelles labyrinthiques, ses passages, ses escaliers et ses souks à l'ombre fraîche. Parfois, la vue se brouille, les murs se redressent, et soudain l'eau chantante rejaillit des fontaines, les enfants crient et se faufilent parmi la foule bigarrée et les étals de vêtements, les charettes chargées d'oranges, les poteries et les effluves d'épices. Trois aveugles l'un derrière l'autre se tenant par l'épaule trottinent devant l'estrade où dansent des baladins aux pieds nus, au son de l'oud et des tablas, sous les clameurs et les rires des badauds, et partout les harangues des marchands, des artisans, colporteurs, vagabonds et quelques prophètes... Désolation. Vide et silence de plomb sur les décombres. La cité se renveloppe dans son linceul de sable. Seules les pierres se souviennent. |  | |